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Les conséquences de la crise sanitaire due au coronavirus pour les collectivités territoriales sont nombreuses et d’importance. Le 30 juillet dernier, le député Jean-René Cazeneuve rendait public son rapport sur les conséquences de la crise sanitaire et économique que nous traversons pour les collectivités locales en matière de perte de produits fiscaux. Sans même parler des pertes de recettes non fiscales et encore moins du coût supplémentaire pour les collectivités en matière de protections et précautions en tous genres ! Les finances des collectivités locales vont subir une perte que le député estime à près de 7,5 milliards d’euros.

Certes, le plan de soutien de l’Etat devrait atténuer le choc, d’autant que l’Etat a déjà inscrit dans le marbre du troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR3) un montant mobilisable de 4,5 milliards d’euros.

Parmi les conséquences concrètes de la crise, citons

  • La forte baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) pour les départements et un peu pour les communes,
  • L’effondrement de la taxe de séjour pour les communes concernées,
  • La baisse marquée de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour les régions et les départements,
  • Une diminution radicale de l’octroi de mer pour les collectivités ultramarines.

Quid du bloc communal ?

Les communes et leurs établissements publics de coopération intercommunale semblent moins touchés au niveau fiscal. En effet, le bloc communal pourra continuer à compter sur la taxe d’habitation pour les 20% des foyers restants et les taxes foncières sur les propriétés bâties et les propriétés non bâties qui sont calculées à partir de valeurs cadastrales auxquelles sont appliqués des taux votés par les assemblées délibérantes, et cela contrairement à des ressources fiscales qui dépendent de l’activité économique comme les DMTO qui sont liés au marché de l’immobilier. Cependant, Il est clairement à craindre que cette chute conséquente des ressources fiscales des collectivités locales ne réduise sérieusement leur capacité à investir et ne les contraignent à repousser, voire à annuler certains projets d’équipement ou certaines créations de services.

 La baisse massive des droits de mutation à titre onéreux 

Pendant toute la durée du confinement, le marché de l’immobilier a été complètement stoppé. Cet arrêt brutal de l’activité de l’immobilier a provoqué aussitôt une chute massive des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), une recette fiscale qui profite essentiellement aux départements, une petite part étant réservée aux communes. Jean-René Cazeneuve estime la perte du volume des transactions sur les deux mois de confinement de 150 000 à 200 000 ventes, ce qui correspond mécaniquement à une perte de 15% à 20% sur l’année par rapport à 2019. Et puisque les recettes de DMTO s’élevaient à 16 milliards d’euros en 2019, le manque à gagner pour 2020 pourrait être de l’ordre de 3,2 milliards d’euros. Toutefois, il ne faut pas exclure la possibilité d’un rattrapage des ventes immobilières et par conséquent des DMTO en 2021.

Le rapport du député Cazeneuve prévoit pour les recettes des droits de mutation à titre onéreux – 20% en 2020, + 15% en 2021 et + 10% en 2022 par rapport à l’année précédente.

Une baisse marquée de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

A l’instar des droits de mutation à titre onéreux, la TICPE a chuté pendant la durée du confinement et elle reste très en deçà de son niveau de depuis 2019.
Cette taxe, qui avait fait parler d’elle au moment de la crise des gilets jaunes, est payée par les professionnels sur les différents produits pétroliers. Bien évidemment, elle est répercutée aux
particuliers dans le prix à la pompe. La taxe est collectée par l’Etat qui, depuis janvier 2005, en reverse une partie aux régions et aux départements en compensation des transferts de compétences qu’il a effectué vers ces collectivités territoriales.

Depuis mars jusqu’à juin 2020, le confinement imposé sur tout le territoire a bien sûr provoqué une chute spectaculaire des déplacements sur le réseau routier et dans les airs et consécutivement une chute tout aussi spectaculaire de la consommation de carburant. Au final, cette chute s’est naturellement ressentie sur les produits de TICPE.  Le député Jean-René Cazeneuve note
ainsi que le montant de TICPE perçu par l’Etat au 30 juin 2020 est inférieur de 22,6% au montant perçu à la même date en 2019. Certes, l’Etat a prévu et anticipé une perte de recettes de 1,6 milliard d’euros de produit de TICPE, mais, au regard de la baisse de consommation de carburant qui semble perdurer depuis juin, la perte de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques pourrait être plus importante. Mais, comme pour les DMTO, un petit rebond pourrait se faire jour en 2021. Le rapport Cazeneuve prévoit pour les recettes de TICPE : – 15% en 2020, + 12% en 2021 et – 0,4% en 2022 par rapport à l’année précédente.

L’effondrement de la taxe de séjour  

La mise en confinement du pays a foudroyé le secteur touristique. La fermeture des frontières, la retenue au sol de quasiment tous les avions et l’interdiction des vols internationaux, la fermeture obligatoire de tous les hôtels, restaurant et cafés ont provoqué un effondrement du chiffre d’affaires des professionnels du secteur touristique et partant un effondrement du produit de la taxe de séjour. 

Créée en 1910, la taxe de séjour est à l’initiative des collectivités territoriales. ” certaines communes ou établissements publics de coopération intercommunale peuvent demander aux vacanciers séjournant sur leur territoire de payer une taxe de séjour, dans le but de financer les dépenses liées au tourisme et à la protection de l’environnement.

Le département peut décider d’une taxe additionnelle à la taxe de séjour fixée par la commune ou l’EPCI “. La taxe de séjour était jusqu’à ce jour une ressource particulièrement dynamique, devenue un instrument financier incontournable permettant aux collectivités locales de mettre en œuvre leur politique touristique au travers notamment de leur office de tourisme.

L’hypothèse retenue par le rapport du député Jean-René Cazeneuve est celle d’une baisse de 40% du
produit de la taxe de séjour sur 2020. Nous avons vu que pour les deux taxes qui précèdent ( DMTO et TICPE ) un rebond en 2021 était possible qui rattraperait en partie les pertes de 2020. Mais, dans le cas de la taxe de séjour, ce rebond est fort improbable, car la reprise de l’activité touristique ne peut se faire que par petites étapes et qu’elle reste totalement dépendante de l’évolution de la pandémie dans notre pays et à l’international.

Ce que prévoit le rapport pour les recettes de la taxe de séjour :  – 40% en 2020,  + 30% en 2021,  + 10% en 2022 par rapport à l’année précédente.

 

L’octroi de mer coule !  

 Si les collectivités locales métropolitaines souffrent beaucoup de la crise sanitaire due à la Covid 19, cette crise n’a pas pour autant épargné les départements et territoires d’outre-mer. Ces collectivités ultra-marines, qui sont très souvent financièrement plus fragiles que leurs homologues de l’hexagone, bénéficient d’une taxe particulière qui leur est propre, à savoir l’octroi de mer. Cet impôt local permet de taxer toutes les importations de biens, et alors il s’agit de l’octroi de mer externe, mais également de taxer toutes les productions locales, et alors il s’agit de l’octroi de mer interne.

La collecte de l’octroi de mer est réalisée par le service des douanes qui la reverse ensuite aux collectivités et en particulier aux communes qui en sont le principal bénéficiaire. Bien évidemment, la Covid 19 a particulièrement diminué les importations de biens, et un rapport fourni par la direction générale des douanes fait état d’une perte concernant l’octroi de mer de 15,2% au 30 juin 2020 par rapport à la même période en 2019. Là encore, ces départements et territoires d’outre-mer devraient pouvoir compter sur un rebond des importations et consécutivement un rebond de l’octroi de mer, sauf pour la collectivité territoriale unique de Guyane et le département de Mayotte où la crise sanitaire est loin d’être endiguée et qui ne devraient pas connaître d’amélioration de la situation économique et fiscale tant que l’épidémie ne sera pas maîtrisée.

Le rapport de Jean-René Cazeneuve prévoit pour les recettes de l’octroi de mer : 

– 12% en 2020, + 9% en 2021 et + 1,2% en 2022 par rapport aux années précédentes.

Enfin, nous avions vu en introduction que si les collectivités locales allaient subir d’importantes pertes au niveau de leurs recettes fiscales en ce qui concerne les taxes qu’elles appliquent et qui sont liées à l’activité économique, il n’en était pas de même pour les taxes calculées à partir de valeurs cadastrales auxquelles on applique des taux votés par l’assemblée délibérante de la collectivité. Il en est ainsi pour les taxes dites ménage, à savoir :

  • La taxe d’habitation (TH) pour les 20% de foyers restants ;
  • La taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ;
  • La taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) ;
  • La taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM).

Ces recettes fiscales concernent essentiellement le bloc communal.

Les prévisions du rapport Cazeneuve

  1. Recettes de taxe d’habitation +2% en 2020, 0% en 2021 et + 2,6% en 2022 par rapport à l’année précédente. 
  2. Recettes de taxe foncière sur les propriétés bâties + 2,6% en 2020, + 2,6% en 2021 et + 2,6% en 2022 par rapport à l’année précédente. 
  3. Recettes de taxe foncière sur les propriétés non bâties + 1,4% en 2020, + 1,4% en 2021 et + 1,4% en 2022 par rapport à l’année précédente.
  4. Recettes de taxe d’enlèvement des ordures ménagères + 1,5% en 2020, + 1,5% en 2021 et + 1,5 en 2022 par rapport à l’année précédente.

 

Source : magazine mensuel « Capital »