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Alors que le gouvernement et le Comité des Finances Locales (CFL) planchent sur une « éventuelle » réforme du mode de calcul de la DGF (Dotation Globale de Fonctionnement), les montants de dotations 2024 des collectivités viennent d’être publiés voilà quelques semaines. Un abondement de 320 millions d’€, pour une enveloppe finale de 27 milliards, a été annoncé, mais qui en bénéficie ? Pourquoi ? Et surtout, comment s’assurer de la pérennité des montants actuellement perçus ?

Voici quelques éléments de réponses issus du Webinaire sur Les Déterminants et les Enjeux des Dotations du Bloc Communal. Accéder au replay.

I.   Comprendre la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF)

La Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) représente l’ensemble des sommes affectées au fonctionnement des collectivités locales.

Leur versement répond à trois logiques :

  • Une logique de compensation :

La Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) sert avant tout à compenser le coût engendré par la décentralisation et les transferts de compétences de l’État vers les collectivités (ex : transfert des écoles, collèges, traitement des titres sécurisés …).

Elle participe également à neutraliser les effets de dispositions législatives qui peuvent diminuer les recettes des collectivités (suppression de taxes, mise en place d’exonérations …)

  • Une logique de péréquation :

La Constitution prévoit la mise en place de « dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales » afin de garantir l’équité de traitement des administrés quelle que soit leur localisation sur le territoire.

Ainsi, la DGF permet de réduire les inégalités de ressources par rapport aux charges, au sein des collectivités, en organisant une répartition des recettes entre elles. Le soutien de l’État est adapté en fonction des caractéristiques et de la pression fiscale qui s’exerce dans les territoires, de même les collectivités « riches » sont sollicitées pour participer à la péréquation vers les communes « pauvres ».

  • Une logique d’investissement :

Les collectivités locales jouent un rôle essentiel dans l’investissement public en France. En 2022, le bloc communal a investi près de 27 milliards d’€, soit 27 % de leurs dépenses totales et 59 % de la formation brute de capital fixe des administrations publiques locales. Aussi, pour soutenir cette participation, l’État a mis en place des dotations spécifiques de soutien (DETR, DSIL, DPV, Fonds verts…)

II.   Quelles dotations et pour qui ?

En 2024, la DGF s’élève à près de 27,2 milliards, dont :

  • 46 % pour les communes,
  • 23 % pour les EPCI,
  • 31 % pour les départements.

Dans la DGF, on distinguera les dotations forfaitaires et les dotations de péréquation :

DGF_Dotations du bloc communal

Par rapport à 2023, l’enveloppe de DGF a progressé de 320 millions d’€. À noter qu’en 2024, l’effort de péréquation est de 290 millions d’€ sur un abondement total de 320 millions d’€, alors que la dotation forfaitaire et la dotation de compensation font l’objet d’un écrêtement annuel.

Les transferts de l’État représentent près de 24 % des recettes réelles de fonctionnement des collectivités ; dont entre 12 et 20 % de DGF.

Dotation du bloc communal_part de la DGF sur les RRF

III.   Dotations Forfaitaires et de Péréquation : Quelles variables sur la DGF ?

La DGF est une enveloppe fermée. Son montant varie en fonction de la typologie de la collectivité et de nombreux facteurs.

   1.  Pour les communes

La part forfaitaire dépend essentiellement de :

  • La population,
  • La superficie de la commune,
  • De la compensation sur des réformes passées (montant invariable, éventuellement net des écrêtements).

Les dotations d’aménagement seront fonction de :

  • La richesse fiscale, mesurée par l’effort fiscal : plus la collectivité est « riche », moins elle sera dotée
  • La pression fiscale sur le territoire, mesurée par le levier taux : plus la collectivité a recours au levier taux, moins elle aura de marge de manœuvre et donc mieux elle sera dotée par l’État.
  • D’autres critères peuvent également rentrer en ligne de compte comme : le nombre de logements sociaux, le revenu moyen par habitants, le caractère urbanisé ou non de la ville, etc.

   2.  Pour les EPCI

La DGF se compose de la dotation de compensation et de la dotation d’intercommunalité :

  • La Dotation de Compensation : son montant est fixe, car il correspond à la somme perçue sur la compensation part Salaire (CPS) de la réforme de la taxe professionnelle (TP). Celui-ci est en revanche écrêté annuellement afin de financer d’autres enveloppes de la péréquation horizontale. Cette dotation est spécifique aux EPCI en Fiscalité Professionnelle Unique (FPU).
  • La Dotation d’Intercommunalité : 30 % de cette enveloppe est destinée à la dotation de base, 70 % est destinée à la dotation de péréquation. Si de façon générale le nombre d’habitants et le CIF (coefficient d’intégration fiscale) sont les critères principaux de la dotation d’intercommunalité, le potentiel fiscal et le revenu par habitant déterminent la part dans la dotation de péréquation.

IV.   Quels sont les impacts des récentes réformes sur vos dotations ?

   1.  Les conséquences de la réforme de la Taxe d’Habitation (TH)

La suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales (THRP) a eu pour incidence :

  • La modification du potentiel fiscal et donc du potentiel financier dès 2022 avec l’ajout des recettes de droits de mutation à titre onéreux (DMTO), Taxe Locale sur la Publicité Extérieur (TLPE), taxes sur les pylônes, Taxe d’Habitation sur les Résidences Secondaires (THRS).
  • La modification du calcul de l’effort fiscal avec la prise en compte des seules ressources fiscales des communes au lieu du groupement + syndicat

Bien que les effets de cette réforme soient lissés, avec un facteur de correction entre 2023 et 2028, et quand bien même il y aurait une stabilité de l’enveloppe de DGF, à terme, la cartographie de la répartition des DGF entre les collectivités risque d’être modifiée. 

Accéder au Webinaire TLPE : Comment recenser la publicité de votre territoire avec des outils libres et gratuits ?

   2.  Le cas des communes nouvelles (de 150 000 habitants et moins l’année de la création)

Afin d’inciter les communes à adhérer davantage à la création de communes nouvelles, la loi de finances 2024 vient corriger un certain nombre de manquements dans les précédentes mesures et compléter les dispositifs en faveur des communes nouvelles :

Bonification pour les premières années d’existence :

  • Dotation d’amorçage : valable 3 ans, passe de 6 €/hab. à 15 €/hab.

Garantie du niveau de ressources :

  • Dotation de garantie :
    • Part pérenne qui assure un montant de DGF au moins égal à la somme des dotations perçues par les communes l’année précédant la fusion.
    • Part indexée au taux annuel d’évolution de la DGF du bloc communal.
  • Dotation d’intercommunalité reversée aux « communes nouvelles communauté »

Éligibilité dérogatoire à la Dotation de Solidarité Rurale (DSR) :

  • Pour les communes de +10 000 habitants, mais qui sont objectivement rurales et issues du regroupement de communes qui ne comptaient pas plus de 10 000 habitants l’année précédant la fusion.
  • Être caractérisé comme peu dense ou très peu dense par l’INSEE.
  • Remplir les conditions d’éligibilité à la DSR.

V.   Perspectives de réformes du calcul de la DGF

Le rapport Pirès Beaune de 2015 a formulé un certain nombre de remarques à l’encontre de la forme actuelle de DGF qui reste d’actualité :

  • Une sédimentation des réformes et des ajustements normatifs,
  • Une fiscalité locale profondément bouleversée qui rend caduque les indicateurs financiers de richesse et de pression fiscale utilisée,
  • la multiplication des dotations et la diversité des critères,
  • L’essoufflement des dispositifs de péréquation : avec le nombre important de dotations forfaitaires nulles, il devient de plus en plus difficile de trouver des communes à écrêter pour financer la péréquation,
  • Une très forte possibilité de participation des collectivités au redressement des finances publiques à horizon 2024/2025.

 

Les travaux de réflexion devaient démarrer en ce mois d’avril 2024, mais ont d’ores et déjà été suspendus, le Comité des Finances Locales (CFL) et le gouvernement n’étant pas d’accord sur les objectifs à fixer ; Le premier souhaitant une réforme sans qu’il y ait de pertes pour l’ensemble des collectivités, le second résolument décidé à intégrer les objectifs de redressement des comptes publics dans la nouvelle mécanique.

 

 

Sandrine RAFANOMEZANTSOA
Responsable Pôle Expertise et Conseil

Sandrine RAFANOMEZANTSOA

  • Consultante séniore en finances locales et péréquation. 13 ans d’expériences au service des collectivités locales et 9 ans au sein d’Ecofinance.
  • Actuellement responsable du pôle expertise et conseil.