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Saisie d’une demande d’enquête, la Cour des comptes a publié le 20 février 2019 un rapport sur ” le périmètre et les risques de la dette publique “. La Cour fait des recommandations pour limiter la progression de cette dette. Fin 2017, l’encours de la dette publique atteignait un sommet historique de 2.260 milliards d’euros, soit 98,5% du PIB, dépassant de beaucoup la limite européenne fixée à 60% du PIB et plaçant la France au cinquième rang des pays de l’UE. L’Etat et les administrations centrales, sur qui pèsent les plus forts enjeux et risques portent 81% de la dette, les administrations de sécurité Sociales en portent 10%, et les administrations publiques locales ont globalement maîtrisé cette dette à 9% de la dette publique. Le niveau de la dette. Il est inédit et sa progression qui était continue depuis des années s’est accélérée à la faveur de la crise financière. La dette est passée de 68,8% du PIB en 2008 à 98,5 en 2017, soit 30 points de PIB au total. La cour estime que cette situation est principalement due au manque de mécanismes contraignants, mais surtout à la réduction très insuffisante de la charge de l’État et donc des déficits publics. Le périmètre de la dette. Il est difficile à appréhender. La Cour des comptes remarque tout d’abord que la lisibilité de la dette publique est largement perturbée par des changements de méthode comptable des calculs, des modifications de périmètres ainsi que par la multiplicité des définitions. Par ailleurs, la Cour regrette l’absence de données globales et consolidées sur l’endettement public, ce qui nuit à la maîtrise des risques; par exemple en matière de comptabilisation des engagements hors bilan ( garanties d’emprunts, engagement de retraite, engagements vis à vis de délégataires, risques liés aux entreprises publiques locales… ). Les risques liés à la dette. Pour la Cour, la plupart des risques liés à l’endettement public semblent bien maîtrisés. Seule exception, le risque de taux, lequel pourrait remettre en cause la soutenabilité même de la dette. Le risque de taux correspond à la capacité à faire face à une évolution des taux d’intérêt à la hausse, et principalement dans une période où les taux sont historiquement bas. C’est l’État qui est plus particulièrement exposé à ce risque en raison de son volume d’émission. Aurait-il, dans ces conditions, la capacité à rembourser sa dette, mais aussi à emprunter de nouveau.  Dans le cadre des projets annuels de performance ( PAP ), il a été démontré  qu’un choc de 1% sur la courbe des taux entraînerait un surcoût budgétaire annuel de 20 milliards d’euros. Par contre, il semble que le risque de taux soit limité pour la dette locale, car 70% des emprunts sont à taux fixe, la durée moyenne des emprunts est plus courte (19 ans ) que celle de l’État, l’encours est en baisse, et parce que moins de 1% de la dette est structurée et qu’il y a seulement 9% d’emprunts obligataires. La dette des administrations publiques locales ( APUL ).  Elle s’élevait, fin 2017, à 201,5 milliards d’euros, soit 9,1% du montant total de la dette publique. L’encours de dette du bloc communal de 118 milliards d’euros représente environ les deux tiers de l’encours total, l’encours de dette des départements en représente 19% et celui des régions 15%. A noter que l’encours de la dette des régions a augmenté de 12 à 15% sur la période, à contrario de celui des départements qui a même légèrement diminué. Les collectivités sont peu endettées et ont une capacité de désendettement de 5,2 ans. Le taux moyen d’emprunt est faible grâce au contexte de taux d’intérêt bas et s’établit à 1,15%. Le risque lié à l’endettement local est, selon la Cour des comptes, maîtrisé grâce à la règle d’or, car, contrairement à celles de l’Etat, les dettes des collectivités territoriales financent exclusivement des dépenses d’investissement. Le surendettement ne concerne qu’une minorité de collectivités territoriales. Des perspectives fragiles.  Le gouvernement table sur une reprise de la croissance et prévoit une amélioration avec un rapport dette publique/PIB à 92% en 2022. La Cour des comptes estime cette trajectoire fragile et très incertaine car elle repose sur une hypothèse de croissance supérieure à la croissance potentielle et sur une vision optimiste de la maîtrise des dépenses. Par ailleurs, il existe, selon la Cour, un risque d’effet ” boule de neige ” dans l’hypothèse d’une hausse des taux. La Commission européenne appelle ” effet boule de neige ” l’incidence combinée des charges d’intérêt et de la croissance économique sur le taux d’endettement. Lorsque le taux de croissance est inférieur au taux d’intérêt, la dette publique a tendance à s’accroître. Et selon la Commission, si la politique ne change pas, la dette devrait atteindre 106% du PIB à l’horizon 2028 avec une forte probabilité de dégradation d’ici 2022. Des règles d’encadrement inopérantes.  La Cour déplore l’inefficacité des règles d’encadrement de la dette, telles que l’obligation d’affecter une partie des recettes au désendettement de l’Etat ou bien l’interdiction pour les organismes divers d’administration centrale ( ODAC ) de recourir aux emprunts bancaires ou obligataires tant au niveau national qu’européen. Quand elles existent, ces règles d’encadrement sont faiblement contraignantes et ont une portée très limitée. Concernant les collectivités, la règle d’or a été complétée par deux dispositifs récents. Tout d’abord, l’article L.1611-3-1 du CGCT qui interdit la souscription d’emprunts bancaires à ” taux d’intérêt risqué “. Ensuite, issu de la loi de programmation des finances publiques ( LPFP ) 2018-2022, le suivi de la capacité de désendettement des 322 collectivités soumises à la contractualisation. Pour compléter et obtenir un début de consolidation, la Cour des comptes recommande d’y intégrer la dette des budgets annexes. Les recommandations de la Cour des comptes. A)  Améliorer l’information sur la dette publique.  Certes, le parlement reçoit du gouvernement plusieurs rapports sur la dette de l’Etat, mais il ne dispose d’aucune information consolidée ni complète. Pour remédier à ce problème, la Cour préconise :

  1. de compléter le rapport établi dans la perspective du débat d’orientation des finances publiques ( article 48 de la Loi Organique relative aux Lois de Finances ), par l’ajout d’une partie consacrée à l’analyse de la trajectoire de la dette publique et de sa soutenabilité.
  2. d’organiser un débat annuel sur la dette des entités publiques.
  3. de consolider les données sur la dette locale dans une base de données commune. ( à noter que cette préconisation rencontre la réticence des collectivités qui font valoir le coût élevé d’un tel projet au regard des bénéfices attendus, et alors que le risque porté par la dette locale apparaît limité.).

B)  Mettre en place un objectif commun d’évolution des dépenses publiques.  Il existe aujourd’hui des dispositifs ciblés de progression des dépenses publiques tels que l’Objectif National des Dépenses d’Assurances Maladie ( ONDAM ), ou le dispositif de contractualisation avec les collectivités territoriales, ou bien encore le cadrage de la trajectoire financière de l’Unedic, mais la Cour des comptes réitère sa demande d’un objectif global portant sur la croissance de l’ensemble des dépenses des administrations en euros courants par an.C)  Accroître la surveillance de la trajectoire de la dette.  La Cour propose d’élargir le mandat du Haut conseil des finances publiques, créé en 2012, à l’appréciation de la trajectoire de la dette publique, comme c’est déjà le cas dans plusieurs autres pays européens. Son regard permettrait d’avoir une vision financière consolidée et de travailler sur des projections d’endettement plus réalistes. D’autre part, le Haut conseil pourrait exercer un suivi et un contrôle de l’objectif des dépenses des administrations publiques. La dette des hôpitaux.   Pour finir, la Cour des comptes a examiné la dette des hôpitaux. Avec un encours de près de 30 milliards d’euros en fin 2017, la dette des hôpitaux est en légère baisse, mais cette baisse est due principalement à une réduction des investissements. La situation de l’endettement est beaucoup moins maîtrisée que pour les collectivités. En 2015, 319 établissements étaient déjà en situation d’endettement excessif. Par ailleurs, une partie de l’endettement hospitalier demeure sujette à un risque de taux du fait du recours à des emprunts structurés.