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Considérée comme définitivement adoptée le 6 février dernier, la loi de finances pour 2025 n’a pas fini de nous surprendre.
Le texte attendu depuis plusieurs semaines maintenant, est finalement passé par la voie du 49.3 après examen par les députés. Suite à la saisine du Conseil constitutionnel, une dizaine d’articles ont été censurés. Cependant l’essentiel du budget 2025 est validé.
Au final, plusieurs articles impactant les collectivités locales ont été retenus dans la version définitive du texte. Décryptage de certains d’entre eux ici :

CVAE & TH : Une compensation sans dynamisme

Les pertes de ressources, liées à la disparition de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe d’habitation sur les résidences principales (TH) imposée par l’État, devaient donner lieu à une compensation à travers la redistribution des recettes de TVA.

Censée être dynamique en fonction de l’attractivité économique du pays, la part de TVA attribuée aux collectivités, notamment aux intercommunalités, pour compenser les ressources de CVAE et de TH perdues, est, pour 2025, figée à son niveau de 2024.
Ainsi, le montant versé à chaque collectivité sera le même que celui qui a été versé en 2024. Celui-ci sera ajusté en fonction des recettes de TVA réellement perçues par l’État.
En effet, la loi de finances indique que les montants de TVA pris en compte pour calculer la compensation, sont désormais ceux de l’année précédente réellement encaissés par l’État, et non plus ceux de l’année en cours. Cela permet une meilleure prévisibilité et une plus grande précision dans les calculs.

DILICO : une péréquation toujours plus horizontale

L’article 186 de la loi de finances met en place un dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (DILICO).
Il s’agit d’un prélèvement sur les recettes à hauteur de 250 millions pour les communes et 250 millions pour les EPCI (les départements et les régions participent aussi à hauteur respectivement de 220 millions et 280 millions d’euros).

Pour chaque commune, un indice est calculé, composé à :

  • 75 % du rapport entre le potentiel financier par habitant de la commune et le potentiel financier par habitant de l’ensemble des communes.
  • 25 % du rapport entre le revenu moyen par habitant de la commune et le revenu moyen par habitant de l’ensemble des communes.

Les communes contributrices seront celles dont l’indice synthétique est supérieur à 110 % de l’indice moyen de l’ensemble des communes.
Pour les EPCI, l’indice est calculé de façon similaire, mais sur la base du potentiel fiscal, et non du potentiel financier.

Le montant de 250 millions d’euros est réparti entre les communes contributrices en fonction de leur population, multipliée par l’écart relatif entre l’indice de la commune et 110 % de l’indice moyen des communes.

La contribution ne pourra pas dépasser 2 % des recettes réelles de fonctionnement du budget principal, et la contribution ne sera pas demandée si elle est inférieure à 1 000 euros. Si on se retrouve dans l’un de ces deux cas, le surplus de cotisation est réparti entre les autres communes contributrices.

Enfin, 90 % du produit de la contribution seront reversés pendant les 3 années suivant sa mise en œuvre, soit en 2026, 2027 et 2028. Le reversement sera adressé par tiers chaque année, aux communes contributrices au prorata de leur contribution. Les 10 % restants sont réservés à la péréquation.

TFPNB : Exonération accentuée sur les terres agricoles éligibles

Pour répondre favorablement aux réclamations portées par le monde agricole l’année dernière, l’État rehausse de 20 % à 30 % l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) en faveur des terres agricoles (article 66).

Cette exonération de droit commun est prévue à l’article 1394 B bis du CGI, mais n’est pas compensée par l’État.
Cette mesure répond aux objectifs liés à la Zéro Artificialisation Nette des Sols (ZAN), contribuant ainsi à la préservation des espaces agricoles.

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THRS : Un champ d’application réduit

L’article 110 prévoit d’alléger le cadre réglementaire entourant la taxe d’habitation.
Bien que supprimée pour les résidences principales, elle continuait de s’appliquer sur les « résidences secondaires et autres locaux non affectés à l’habitation principale »
La mention « autre locaux non affectés à l’habitation principale » vient d’être supprimée par le texte examiné, et elle ne fait plus de distinctions entre logements meublés (hors résidences principales) et résidences secondaires.
L’article 1407 du CGI est ainsi modifié : « La taxe d’habitation sur les résidences secondaires est due pour tous les locaux meublés conformément à leur destination d’habitation autre qu’à titre principal, y compris lorsqu’ils sont imposables à la cotisation foncière des entreprises »
Ainsi, tout logement meublé qui n’est pas une résidence principale, est soumis à la taxe d’habitation, y compris si le bien est sujet à la CFE.
La loi précise toutefois les cas d’exonérations possibles, réduisant ainsi le nombre de contribuables assujettis à la TH. Cette mesure, légitime, induit tout de même une perte de ressources fiscales pour les collectivités locales bénéficiant encore du produit de cette taxe (communes et EPCI).

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Les logements exonérés, essentiellement des biens non passibles de CFE, sont cités par le texte :

  • Les locaux destinés à l’hébergement ou au logement à titre temporaire des personnes en difficulté gérés par des personnes publiques, ou par des organismes privés qui bénéficient à ce titre d’un conventionnement, d’un agrément, d’une autorisation ou d’un récépissé de déclaration de l’État.
  • Les locaux destinés au logement des élèves dans les écoles et les pensionnats, ou des étudiants dans les résidences universitaires comme le CROUS.
  • Les chambres consulaires.

Comme la Constitution le prévoit, une contribution de l’État viendra compenser les collectivités sur le montant perçu au titre de l’année 2024. Compensation non dynamique, fixe, et qui sera probablement écrêtée avec le temps…
Cette compensation ne concerne pas les collectivités en zone « FRR » qui auraient pris une délibération pour exonérer les meublés de tourisme classés et chambres d’hôtes, de la TH (voir article).

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TAXE SUR LES BUREAUX : Nouvelles exonérations

L’article 111 modifie le Code Général des Impôts et introduit un nouveau cas d’exonération dans le cadre de la taxe sur les bureaux (articles 231 ter et 231 quater du CGI). Le texte concerne les locaux qui étaient initialement destinés à un usage autre que l’habitation (bureaux, commerces, stockage, etc.) et qui sont en cours de transformation en logements.
Pour bénéficier de l’exonération, plusieurs conditions cumulatives sont nécessaires :

  1. Les locaux doivent être vacants au 1er janvier de l’année d’imposition.
  2. Le propriétaire doit s’engager à transformer les locaux en logements dans un délai de quatre ans à compter de la délivrance du permis de construire ou de la déclaration préalable. La date d’achèvement des travaux est justifiée par la déclaration prévue à l’article L. 462-1 du code de l’urbanisme.
  3. La demande de permis de construire ou la déclaration préalable doit avoir été déposée au cours de l’année civile précédant la déclaration de la taxe.

Si le propriétaire ne respecte pas son engagement de transformer les locaux en logements dans le délai imparti, il devra payer la taxe qui aurait été due en l’absence d’exonération, avec une majoration de 25%. Des exceptions sont prévues en cas de circonstances exceptionnelles indépendantes de la volonté du propriétaire.
Cette mesure vise à encourager la transformation de locaux vacants en logements, afin de lutter contre la pénurie de logements et de redynamiser certaines zones.

Et les Révisions des valeurs locatives, alors ?

La loi de finances 2025 n’apporte aucune précision sur le devenir de la révision sexennale des valeurs locatives des locaux professionnels, supposée prendre effet en 2026. Elle a tout de même le mérite de clarifier le mécanisme du « planchonnement » dont bénéficient les locaux révisés.
Pour la RVLLP : éviter le contentieux fiscal.
Le « planchonnement », dont l’objectif est d’atténuer les effets de la révision des locaux professionnels de 2017 pour les contribuables, est appliqué de manière figée par l’administration fiscale sur les bases de l’année 2017. Cela signifie que ce dispositif de sauvegarde n’est pas actualisé annuellement, et ne tient donc pas compte d’éventuelles évolutions de la valeur locative, lié à l’évolution du bâti, ou à la mise en place de coefficients de localisation. C’est cet aspect qui a récemment conduit des entreprises à se saisir de la juridiction administrative, et étant en bonne position pour obtenir gain de cause.
Afin d’éviter la recrudescence des contentieux en ce sens, la loi de finance 2025 vient donc figer le « planchonnement » en modifiant l’article 1518 A quinquies du CGI. Cela revient à entériner les éléments de calcul utilisés par les services fiscaux jusqu’à présent, pour toutes les impositions dues au titre des années 2023 à 2025. Cette mesure ne concerne cependant pas les réclamations déjà introduites auprès de l’administration fiscale avant le 10 octobre 2024.

Pour la RVLLH : Une réforme maintenue dans un contexte politique tendu

Reportée en 2028 par la dernière loi de Finances, la RVLLH semble garder le cap.
Le texte dans son article 115, met en place de « nouvelles » obligations déclaratives pour les propriétaires et les occupants de locaux d’habitation. L’objectif principal est de permettre à l’administration fiscale de mieux identifier les locaux soumis à la taxe d’habitation et à la taxe sur les logements vacants, ainsi que leurs occupants.
Tout d’abord, face au manque de coopération des propriétaires, le gouvernement a instauré une obligation déclarative annuelle pour les locaux d’habitation.

Désormais, les propriétaires de locaux affectés à l’habitation devront déclarer chaque année, avant le 1er juillet, à l’administration fiscale, les informations relatives à l’occupation de leurs biens et non plus seulement en cas de changement de situation.

Ils devront également déclarer des informations relatives aux « caractéristiques » des locaux.
Les modalités de cette déclaration doivent être clarifiées dans un décret.
Par ailleurs, il est également précisé dans le texte que les locataires ou occupants à titre gratuit, doivent eux-aussi procéder à une déclaration et informer l’administration fiscale sur « l’adresse et les éléments d’identification » de leur logement et de leur propriétaire dans le cadre de leur déclaration de revenus.

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En conclusion, la loi de finance pour 2025 reste dans la veine de ses aînées du point de vue de la fiscalité locale : un champ d’application de la fiscalité directe de plus en plus réduit, alors même que les dispositifs de compensation mis en place par l’Etat perdent en équité et en efficacité.
En parallèle, le brouillard entourant les grandes réformes fiscales reste toujours aussi épais :
Quid de la révision sexennale des valeurs locatives des locaux professionnels entamée en 2022 ? Après les nombreux reports subis, doit-on conclure que les informations recueillies en 2017 ne seront pas actualisées d’ici la fin du dispositif de lissage des cotisations révisées ?
Au vu des difficultés à obtenir de l’information qualifiée concernant les locaux d’habitation, la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation parviendra-t-elle à tenir le calendrier annoncé ?
Afin de vous tenir informé de l’évolution du paysage fiscale, Ecofinance reste en veille sur les grands sujets d’actualité, afin que vous soyez toujours en mesure de piloter efficacement votre collectivité locale.

 

Fabiola Azam consultante en fiscalité chez ecofinance

Fabiola AZAM, Consultante en finances et fiscalité locales.
Spécialisée dans la fiscalité des locaux d’habitation depuis sept ans.