Dans un article paru le 17/06/2020 dans la Gazette des communes, Monsieur Guillaume Sainteny, écrivain et expert en développement durable, a fait le point sur la fiscalité écologique locale. Il a présidé le groupe “environnement et développement durable” à Sciences-Po Paris de 1997 à 2008.
Par ailleurs, il a été maître de conférences à l’école Polytechnique et enseigne actuellement le développement durable à Agro Paris Tech. Aujourd’hui, il est président de GS Conseil et auteur de plusieurs ouvrages, dont « Développement durable : aspects stratégiques et opérationnels », « Plaidoyer pour l’écofiscalité » et « Le climat qui cache la forêt ».
Dans son analyse, Monsieur Sainteny aborde deux grands questionnements autour de la fiscalité écologique locale :
La suppression de la taxe d’habitation n’incite plus les communes à s’attaquer au problème de la vacance des logements. En France, le taux de vacance atteint 8,4%, alors qu’il est de 4% en Grande-Bretagne et 3% en Allemagne. Réduire cette vacance limiterait l’étalement urbain, mais les communes préfèrent booster les constructions neuves pour compenser les pertes fiscales avec la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).
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On constate une autre aberration au niveau de la TFPB, c’est que cette taxe est souvent plus élevée en centre-ville qu’en la périphérie. Cette inégalité fiscale favorise l’étalement urbain, en rendant les zones périphériques plus attractives fiscalement.
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On peut se demander pourquoi les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), constitués par la taxe départementale de publicité foncière et les droits d’enregistrement départementaux, ainsi que par la taxe communale additionnelle, représentent 8 % du montant total de la vente. Pourtant, ces droits ne s’appliquent qu’aux biens immobiliers anciens.
En revanche, pour les biens immobiliers neufs soumis à TVA, l’article 1594 F quinquies du Code général des impôts prévoit une taxe de publicité foncière de seulement 0,715 % sur le prix de vente hors taxe.
Pour finir, Guillaume Sainteny déplore que les collectivités territoriales n’utilisent pas davantage deux nouveautés issues du Grenelle de l’environnement. Ces mesures permettent de lutter efficacement contre l’étalement urbain :
Le constat établi par l’auteur semble être partagé par le législateur qui a, lui aussi, reconnu cette sous-utilisation de ces mécanismes par les collectivités.
La loi de finances n°2020-1721 du 29 décembre pour 2021 a abrogé le versement pour sous densité dès le 1ᵉʳ janvier 2021 compte tenu de son inefficacité. À titre d’exemple, en 2019, seulement 18 communes avaient institué cette taxe pour un montant liquidé d’environ 5000 €. En ce qui concerne la sectorisation de la taxe d’aménagement, le gouvernement a voulu assouplir la mise en place de ce dispositif en permettant l’application d’un taux majoré « aux travaux substantiels de restructuration ou de renouvellement urbain pour renforcer l’attractivité des zones concernées et réduire les incidences liées à l’accroissement local de la population » et en supprimant le principe de proportionnalité. Ces modifications sont applicables depuis le 1ᵉʳ janvier 2022.
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La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages précise dans son article 72 que :” les propriétaires de biens immobiliers peuvent conclure un contrat avec une collectivité en vue de faire naître les obligations réelles que bon leur semble afin d’assurer le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques”.
L’obligation réelle environnementale (ORE) est un dispositif intéressant qui permet de décentraliser la protection de la biodiversité au niveau des collectivités et de la société civile.
En clair, les signataires d’un contrat ORE font naitre, à leur charge, ainsi qu’à celle des propriétaires ultérieures du bien « les obligations réelles que bon leur semble, dès lors que de telles obligations ont pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques. Les obligations réelles environnementales peuvent être utilisées à des fins de compensation ». Ce contrat peut être souscrit par des personnes publiques, mais aussi entre acteurs privés.
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Un contrat de ce type permet aux collectivités territoriales d’amorcer des partenariats avec des associations, notamment des associations environnementales, pour protéger, gérer et entretenir des espaces naturels. En échange, la commune s’engage à ne pas modifier l’aspect urbanistique du lieu (ne pas porter atteinte à la faune et à la flore, interdiction de construire etc..). Ces obligations réelles environnementales sont attachées au bien immobilier, de sorte qu’elles se transmettent aux propriétaires ultérieurs du bien.
Ce contrat est établi en application de l’article L.132-3 du Code de l’environnement, établi en la forme authentique, soit devant notaire, soit par un acte authentique administratif.
Le 15 janvier 2021, le gouvernement a remis un rapport au Parlement pour présenter le bilan de la mise en œuvre de ce dispositif. Ce rapport déplore « l’absence de mécanisme de suivi de la signature de ces contrats rend difficile l’existence d’une vision nationale de la mise en œuvre des ORE ». Il précise ensuite « Au 31 décembre 2019, s’agissant des ORE « patrimoniales », on dénombre 12 contrats signés, pour une durée moyenne de 65 ans. Ils ont été signés en 2019 dans plus de 80 % des cas. S’agissant des ORE mises en place dans le cadre de la compensation, 5 contrats ont été signés, pour une durée moyenne d’environ 40 ans. Cependant, 7 projets d’aménagement routiers ont fait l’objet de près de 120 promesses d’ORE, pour une superficie totale de 300 hectares et une durée moyenne de 28 ans. Des ORE sont par ailleurs envisagées à des fins de compensation d’une quinzaine de projets d’aménagement divers ».
Geoffrey PAYRE
Consultant en finances et fiscalité locales et responsable de formation